Parfois en rêve je suis Rivers Cuomo
Ben oui, c’est comme ça : parfois en rêve je suis Rivers Cuomo, le chanteur de Weezer. Je suis lui et c’est cool. Cuomo, c’est simple : j’aime son groupe, j’aime sa musique, j’aime le manque total de prétention de ces chansons faites pour maintenant-tout-de-suite, j’aime cette impression de jeunesse sauvage qui se dégage de son visage, de ses yeux perçant sous des lunettes à grosses montures noires, j’aime me dire que même quand il sera vieux, Rivers Cuomo, ben en fait il sera encore jeune.
J'aime bien l'idée que Weezer ne fasse pas l'unanimité parmi les médias "du bon goût" (Pitchfork, la bible des bibles de l'indie-police-good-taste-club, par exemple, n'aime pas trop Weezer, et trouve la pochette du nouvel album ridicule). IL est pourtant très bien, notre ami Hurley (aka l'acteur Jorge Garcia), rescapé de la série Lost, sur la dite-pochette, non ?
J’aime aussi penser que l'éclosion de Cuomo n’a pas été facile, qu’il a dû se battre contre lui-même, ses doutes, ses démons pour échapper au quasi-autisme qui menaçait, et finalement, disque après disque, s’assumer en petit prince (façon clever slacker) des charts indie-rock. Cuomo n’est pas une rock-star ordinaire, c’est un « outcast » progressivement passé du « out » au « in »... L'heureux homme.
La nuit, quand je deviens Rivers Cuomo, j’ai une Gibson Les Paul rouge vif, un jean vaguement déchiré, des Converse hors d'âge, et j’écris des tubes de bubble-pop-rock méchamment bien foutus et emballants… J’aime ce garçon (que je n’ai jamais rencontré, je précise) comme un ami inconnu. Comme ce cousin d’Amérique que j’aurais (et que vous auriez ?) tant aimé avoir. Vous imaginez, être le cousin de Rivers Cuomo ? Aller chez lui l’été, en Californie, faire du surf avec ses potes, boire des coups, sortir les guitares, écouter les maquettes de ses nouvelles chansons ?
Mais lui est né à New York, et moi à Montmorency, Val d’Oise. C’est comme ça, c’est pas grave. Ça ne m'empêche pas d'écouter Hurley, le nouvel album (huitième d'une inégale série), en me sentant très très très proche de l’état d’esprit dans lequel baignent joyeusement des refrains comme Memories (à écouter par exemple ici), le premier single extrait.
Cette musique n’a pas grand chose à voir avec ce qui domine ailleurs dans ma discothèque (l’axe Neil Young-Midlake), et pas grand chose à voir non plus avec ce qui mijote dans la marmite de 49 Swimming Pools, mais je l’aime quand même profondément, y adhère entièrement.
Et j’avais envie de vous le dire.
Et puis aussi... parfois en rêve je suis (nous sommes) sélectionnés par le FAIR.
Je vous explique : cette année, avec mes deux camarades de 49 Swimming Pools, on avait déposé un dossier auprès du Fair (vous savez, chaque année, 15 groupes français sont sélectionnés par un jury de professionnels, et recoivent des aides, des conseils, un encadrement, et profitent d’une bonne exposition dans les médias et en concert).
Ça fait vingt ans que j’enregistre des disques (Chelsea, Melville, etc), et je n’ai pas souvenir d’avoir postulé avant. En fait, avec mes groupes successifs, on a toujours avancé à l’énergie, en relative autarcie, parfois en bricolant avec des bouts de ficelle, parfois avec des moyens, mais sans jamais (bêtement) prendre le temps de postuler au Fair.
Et cette année, ben… on aurait vraiment beaucoup aimé figurer parmi les lauréats. Parce que ELAP, le label (volontairement résolument riquiqui et ultra indépendant) d’Etienne et Fabien, est à peu près l’équivalent, sur la carte du monde des maisons de disques, de San Marin dans la géographie européenne. Parce qu’on n’a pas de manager, parce qu’on a (comme tout le monde) besoin d’avis extérieurs, de regards, et parce qu’on est en train de terminer, seuls dans notre coin, un deuxième album dont on est très fiers et qu’on aimerait vraiment exposer au plus grand nombre possible de fans de musique (chose infiniment difficile quand on n’est pas dans les circuits, les réseaux).
Mais c’est ainsi : nous n’avons pas été sélectionnés, et si je ne m’en offusque pas - je trouve même que la liste des lauréats a belle allure -, j’espère juste que les membres du jury (que je ne connais pas personnellement), et qui avaient assez apprécié notre musique pour nous "pré-selectionner", ne se sont pas dit, au moment du vote final, que 49 Swimming Pools n’en avait pas besoin. J’espère qu’ils ne se sont pas dit un truc comme : « ces trois musiciens sont déjà bien « intégrés », ils connaissent beaucoup de monde, ont déjà sorti plusieurs disques, Tellier est journaliste et connaît plein de gens, ils n’ont pas besoin du Fair ».
S’ils ont pensé ça, ben… ils se trompent. Car oui, on en aurait eu besoin. Aussi platement, modestement, et naturellement que tous les groupes qui en sont au même stade.
Et non, je ne suis pas dans les réseaux. Je vais dans les concerts incognito, et quand j’y suis, je préfère être dans la salle, à écouter le groupe, plutôt qu'au bar à papoter avec les gens de l’industrie (mal en point) du disque. Moins mondain que moi, t’es moine dans un couvent.
Et par ailleurs (j'en profite pour le dire ici), 49 Swimming Pools, pas plus que mes groupes précédents, n’a jamais été favorisé par d’autres médias, pas plus les Inrocks que d’autres (beaucoup de gens considèrent même que mon statut est plus pénalisant que bénéfique – moi, je ne me pose pas trop la question, je m’en fiche un peu, je vis cette vie musicale à fond, sans me torturer le cerveau). J'espère vraiment que ce genre de considération n'a pas joué au moment du vote final, et que nous avons échoué pour des raisons strictement musicales.
Donc voilà. C’est ainsi, on ne figure pas dans la liste des heureux élus. Tant pis, on se représentera l'année prochaine ! Je ne ressens pas d’amertume, c'est important de le préciser, mais je suis déçu, simplement déçu.
Et j’avais envie de vous le dire.
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PS : à propos de Weezer, vous devez aussi absolument regarder cette pub pour des "couvertures" Weezer datant d'il y a quelques temps. C'est juste merveilleux... (le cadeau idéal pour votre belle-mère, non ?)