Mon Noël avec Keith Richards







Je passe beaucoup de temps avec Keef actuellement. On a une espère de relation intime assez forte, lui et moi, ces jours-ci. On ne se quitte plus, on se parle pendant des heures, tard le soir... Bon, pour être totalement honnête, ce n'est pas seulement "lui et moi" qui avons cette relation particulière. C'est plutôt... "lui et des centaines de milliers d'entre nous". Nous, c'est à dire tous ces fans des Stones (fans à des degrés différents, et peut-être pour des tas de raisons très différentes) qui avons fait l'acquisition de son livre, Life.


Cette autobiographie épaisse est en haut des ventes un peu partout dans le monde. J'étais à Rome il y a quelques jours, et là-bas, Life est carrément numéro 3 des ventes de livres, toutes catégories confondues (après le Da Vinci Code, un genre d'effet Keith Richards Code ?) Donc des tas d'Italiens et d'Italiennes ont aussi une espèce de relation assez forte avec cet incroyable mec, ces jours-ci. Heureux soient-ils. Keith = Universal Icon.

Life se lit comme un roman. C'est pourtant un livre qui souffre souvent de sa traduction en français, et par moments, on a même envie de poser le bouquin et d'appeler l'éditeur pour gueuler un bon coup. (Je ne sais pas combien de temps on donne aux traducteurs français pour se lancer dans ce genre d'ouvrage, mais manifestement, trop peu !) En fait, comme souvent dans ce genre d'auto-bio, des passages plutôt bien tournés, assez écrits, succèdent à des étranges phrases en français qui font pschitt/flop/badaboum parce qu'elles essayent de retranscrire littéralement des petits bouts d'anglais très oral, un peu voyou, par nature intraduisibles... (suggestion : ne faudrait-il pas bêtement les garder en anglais, ces passages ?).

La particularité, c'est que, un peu comme dans son jeu de guitare, le Keef mélange les registres, et passe un peu du coq (de la coke, direz-vous malicieusement ?) à l'âne. J'imagine que la version anglaise du bouquin supporte parfaitement ces passages incessants de l'oral à l'écrit, du présent au passé, de l'anecdote finement relatée à l'invective balancée comme un bon riff. Mais en v.f., wouah, c'est un peu spécial...

Anyway, c'est quand même agréable à lire, ce récit tout en longueur et souvenirs à la précision incroyablement tranchante. En particulier toute la première partie, la période 1962-1964, la formation du groupe, les répètes à l'étage de vieux pubs crasseux de Richmond ou Soho, et puis surtout cette volonté (longuement expliquée dans le livre, et franchement touchante) de devenir le meilleur groupe de blues "façon Chicago", mais vivant à Londres. Le meilleur groupe américain d'Angleterre. Richards consacre des pages entières à ce gigantesque amour pour Muddy Waters and co., tous les grands musiciens plus ou moins maudits d'Amérique, et à la façon dont cette passion viscérale, une fois mêlée à un minimum de pragmatisme (il fallait quand même faire "un peu pop" pour percer en Angleterre), a donné naissance aux toutes premières chansons des Stones.

Touchant aussi de voir à quel point le Richards de 68 ans tient à nous raconter ce qui faisait carburer le Richards de 20 ans : cet amour du blues, bien sûr, mais aussi cette envie folle d'apprendre, et tout ce travail énorme que cet apprentissage méticuleux a demandé. Tout jeunes, Jagger et Richards ont bossé comme des brutes, et le Keef tient à nous le faire savoir. Hier, du coup, j'ai ressorti ces belles compilations de tous les singles Decca, et c'est très chouette de ré-écouter les tout-débuts, Come on (ce Chuck Berry très librement adapté), I wanna be your man (refilée par Lennon et Macca), tous ces morceaux d'à peine deux minutes, mais tellement bourrés d'énergie et d'envie - et déjà d'un panache évident.
















Et puis, et puis... il y a tout le reste. Ces pages dont Brian Jones ne ressort pas franchement grandi (on se doutait bien que le garçon avait un sérieux problème d'attitude, mais raconté par Keith Richards, ça devient plus concret, plus précis, plus cruel et pathétique aussi), puis l'évidence du lien qui se tisse avec Anita Pallenberg (et tant pis pour Jones, doublement largué), les premières tournées américaines (génialement racontées), et la suite, toute la suite, la dope, l'amour-haine avec Jagger, etc... Toutes ces pages de mémoire diablement vivante dont vous trouverez peut-être la trace, ce soir, sous votre sapin de Noël, dans du papier cadeau ? C'est tout le bien que je vous souhaite.



(Life, de Keith Richards, Robert Laffont, 22,90 €.)

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