Toute la musique que 'james' (elle vient de là, elle vient de Manchester). Part 1.




Judicieusement interpellé par Arthur dans les commentaires du blog précédent, je vais donc vous parler ici du plus attachant des groupes de Manchester des trente dernières années, james.
Et de quelques souvenirs liés à ces garçons virevoltant, et notamment à leur chanteur Tim Booth - si doué, si profondément poète, troubadour moderne, songwriter allumé, derviche tourneur, whatever.

(Ça risque d'être long, donc je vais faire en deux parties, and here is the part 1.)

Je vous parlais un peu plus tôt du bonheur ressenti le jour de la réception du premier album des Smiths, en 1983. Eh bien le choc james, qui suivit de peu, fut tout aussi splendide et excitant. D'ailleurs, les deux groupes sont intimement liés dans ce souvenir, puisque la première fois que j'ai lu les cinq lettres de ce prénom devenu nom, j-a-m-e-s, c'était sur une affiche de concert des Smiths, une tournée anglaise pour laquelle le groupe du grand Tim Booth assurait la première partie.

Je pense que c'était en 1985, sur une partie de la tournée (des Smiths) Meat is murder. Le camarade Beauvallet, qui n'était pas encore mannequin pour les polos Fred Perry, m'avait ramené l'affiche de la tournée, et un t-shirt de Meat is murder (lui vivait là-bas, dans ses années pré-Inrocks, et a vu plusieurs concerts de la dite-tournée, pendant que je me contentais d'en rêver, à Tours, quartier des Fontaines, tout en devenant, je crois, végétarien, pour environ 3 semaines et demi).

Bref, donc, je vois ce nom, et il me fascine. 5 lettres, c'est court. A l'époque, c'est même très court, inhabituel.






Et là, Factory a la merveilleuse idée de réunir deux 45t sortis en 18 mois en un seul et même monumental EP, qui reste sans doute, à ce jour, le disque vinyle auquel je suis le plus attaché.

Ce maxi, je crois que je l'ai acheté en Angleterre, mais je n'en suis plus très sûr. Ou bien peut-être était-ce dans un envoi postal de JDB, encore lui.




















Ce disque est totalement fou. Il est gorgé de vie, d'énergie, la beauté et la fougue dégoulinent de partout. Il s'y joue quelque chose de rythmique proprement sidérant (ce dialogue batterie-basse-guitare rythmique), une construction que je n'avais encore jamais entendue à cette époque (plus tard, rétro-activement, je découvrirais un peu mieux Talking Heads et y verrais un relatif cousinage, mais James restant encore plus frais, plus spontané). J'ai sans doute écouté Hymn from a village plus de 5 000 fois dans ma vie. J'en connais chaque inflexion, chaque intonation dans la voix de Booth. Cette chanson est la perfection absolue, elle rebondit sans cesse, on dirait une rivière descendant des Appalaches et venant rafraichir jusqu'aux habitants de Manchester, ville moche et grise, ennuyeuse, mais réveillée par tous les fantastiques groupes de l'époque et le label Factory. Hymn from a village, c'est de la chlorophylle en intra-veineuse. L'écouter, c'est vivre, c'est respirer, c'est se dire que seule la musique procure des sensations pareilles.

Puis, après ce EP colossal, est venu Stutter, l'album faisant suite au EP. C'est un disque au couteau : on sent que chaque phrase, chaque refrain, chaque chanson, a été une bataille, qu'il y a eu beaucoup de bagarres pour en arriver là. Sans doute des tensions dans le groupe, mais aussi, surtout, avec son entourage (dont Sire , cette major américaine dont je me demande encore ce qu'elle venait faire là).

Stutter est un disque tranchant, le son est assez sec, parfois cassant, il n'y a déjà plus cette sorte de rondeur charismatique d'Hymn from a village. On sent que les temps sont durs. Et qu'il faut du culot pour sortir une pareille musique à l'époque.

Même le soutien fervent de Morrissey ne suffit pas, d'ailleurs, à réellement imposer james dans les goûts du public, pas même du public des Smiths, qui trouvait cette musique un peu trop compliquée. En concert, ces drôles de garçons avec leurs chansons bizarrement construites (le plus souvent autour de la batterie) déconcertaient plus qu'ils n'enchantaient. (voir ainsi cette version live, en 1985, de Scarecrow).

Sur l'album suivant, Stripmine, plus lêché, plus poli, James renouera avec le sourire et une certaine forme de légèreté, mais à l'heure de Stutter, tout semble tendu et menaçant. Et c'est sans doute aussi pour cela que j'aime autant ce disque.

J'ai vu James en concert à partir de 1987, et plusieurs fois en peu de temps - au moins deux fois à l'Astoria (dont une fois avec Happy Mondays en première partie), une fois au Dominion, puis beaucoup plus souvent après 1989, avec les premiers vrais tubes (par exemple Sit down) et le Summer of Love mancunien envoyant ses bonnes vibes partout en Europe.

Pour moi, à l'époque (disons jusqu'à 1989), c'était le meilleur groupe de scène du monde. Tim Booth, alors sosie parfait de Mats Wilander, ne tenait pas en place. Si c'est de la drogue qui le rendait si beau, si charismatique, alors j'en veux bien trois containers tout de suite... Et le groupe de l'époque, beaucoup moins standardisé et classiquement rock que ce qu'il deviendrait dans les années 90, avait plus à voir avec des artistes d'aujourd'hui comme les Dodos ou Broken Social Scene (voire, côté mélodies, les Fleet Foxes, dans cet espèce d'élan néo-folk archi-assumé) qu'avec ses contemporains badaboum boum-boum.

james, alors, était encore un groupe unique, un drôle d'oiseau cherchant sa place. Il allait la trouver, et le succès avec... Mais ces années pré-triomphe furent sans doute les plus fameuses.

(à suivre)


PS : le groupe aujourd'hui, reformé, en tournée > http://www.wearejames.com/


Posts les plus consultés de ce blog

James, Tim Booth, Manchester, une époque bénie (suite et... longue... fin).

De l'importance de l'emballage