Messieurs Smiths au Sénat !





















What ? Un remake londonien du merveilleux film de Frank Capra, Monsieur Smith au Sénat ?
Yes, presque. Sauf qu'il ne s'agit pas du Sénat, mais de la House of Commons, c'est à dire l'équivalent de notre Assemblée Nationale. Le plus haut lieu du débat démocratique britannique, où une scène totalement folle (quoique.... en Angleterre, tout est possible, la preuve... et c'est pour ça qu'on aime ce pays, do we not, my dear readers ?...) s'est produite pendant les "questions au Premier Ministre" de cette semaine.

Et non, ce n'est pas un film, mais la plus éclatante réalité.

Mais regardez plutôt (lien un peu plus bas, in blue) : la femme qui s'exprime en premier est une MP (député) du Parti Travailliste, elle se nomme Kerry McCarthy, et (comme le relate le New Musical Express dans cet article), elle attaque le gouvernement sur sa politique en matière d'éducation, et notamment la casse du système des bourses pour les étudiants.

Pour étayer son discours, et épingler David Cameron tout en moquant sa passion revendiquée pour les Smiths (le "groupe étudiant" par définition), elle lui balance - lire traduction plus bas (1) - quelques titres de chansons de Marr et Morrissey. Façon raffinée et efficace de lui dire : "vous prétendez aimer ce groupe, ses engagements politiques, ce qu'il représente, mais en fait, vous n'aimez pas la jeunesse de votre pays." (And now please click on the following link, people of France).



Comme vous l'avez vu (sinon, vraiment, vous devriez cliquer sur le lien, ça vaut le coup d'oeil), le camarade David Cameron - dont on notera au passage qu'il a pris à peu près 25 kilos depuis son élection - ne se démonte absolument pas. Il est même carrément very amused par cette petite joute verbale, et à son tour, ni une ni deux, le voilà qui répond en citant lui aussi deux chansons des Smiths. Avec un certain panache... D'abord This Charming man, puis William it was really nothing (avec clin d'oeil à William Hague, le Ministre des Affaires étrangères). Joli sens de la répartie.

Et le plus dingue dans cette séquence (qui ressemble davantage à une partie de Trivial Pursuit qu'à un débat politique !), c'est qu'il semble bien qu'une majeure partie de la prestigieuse assemblée éclate de rire de la plus sincère des manières - c'est à dire pas seulement comme marque de politesse obligée envers le digne orateur, mais vraiment parce qu'ils connaissent ces chansons des Smiths (ben oui, ils devaient tous avoir 20 ou 30 ans quand les Mancuniens tenaient le haut du pavé...), et trouvent donc très drôles qu'elles soient ainsi citées dans cette enceinte inattendue.

Scène splendide, où l'on réalise, une fois de plus, que la frontière entre culture dite-alternative et culture populaire est décidément très fine outre-manche, territoire béni où l'amour de la musique est tel qu'on peut donc interpeller le Prime Minister himself en lui demandant si "Heaven knows I'm miserable now" est une chanson qui lui parle en ces temps de révolte étudiante...

Après avoir applaudi des deux mains, dans un moment de jubilation tout à fait britannique, j'ai toutefois ressenti un sévère coup-de-moins-bien quand une idée stupide est venue frapper mon esprit avec une assurance tout à fait germanique.

Bêtement, je me suis dit : mais ça donnerait quoi, ce genre de scène, en France... ? Quel pourrait être l'équivalent français (traduisez : franchouillard) d'une joute verbale du même type ?

Michèle Alliot-Marie citant des titres de chanson de Sardou ? Kosciusko-Morizet voulant faire sa branchouille à trois balles et citant courageusement un titre de Vincent Delerm ? Jean-Luc Mélenchon leur répondant par du Renaud ("Laisse béton") ? N'en jetez plus, la scène, même imaginaire, me fait frémir d'angoisse.

Comme disait je-ne-sais-plus-qui, un pays a les icônes culturelles qu'il mérite...









































(1) : traduction de l'échange dans la vidéo Smiths/Parlement :

Kerry McCarthy : "En tant que fan de The Smiths, Monsieur le Premier Ministre, vous avez dû être très affecté d'entendre qu'à la fois Morrissey et Johnny Marr vous ont "interdit" désormais de les aimer. Eux, ce groupe, très apprécié des étudiants - il est l'archétype du "student band". Si vous gagnez le vote de ce soir (sur l'augmentation des frais de scolarité), quelle chanson des Smiths pensez-vous que les étudiants britanniques vont écouter : "Miserable Lie", "I Don't Owe You Anything" ou "'Heaven Knows I'm Miserable Now" ?

David Cameron : "Eh bien je pense que si le vote passe, je n'entendrai pas "This Charming Man". Et que si j'y vais avec le Ministre des Affaires Etrangères, on se dira plutôt "William It Was Really Nothing".


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PS : dans un tout autre style, et toujours en France, cette vidéo-là aussi fait l'actualité, cette semaine... Et bon... je crois que je préfère VRAIMENT la vidéo anglaise avec les Smiths au Parlement :-) Elle est quand même plus marrante...

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